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mercredi 22 juin 2011

E.P. Centrale hydroélectrique de Saint Jean de Verges


ENQUETE PUBLIQUE SUR LA DEMANDE DE

« RENOUVELLEMENT DE CONCESSION DE LA CENTRALE HYDROELECTRIQUE

DE SAINT JEAN DE VERGES AU TITRE DU L.214-3 DU CODE DE L’ENVIRONNEMENT »
PAR LA SOCIETE DU VIEUX MOULIN

                  
1 - Présentation de la demande

La demande d’autorisation pour le renouvellement de concession de la centrale hydroélectrique de Saint Jean de Verges est présentée par le pétitionnaire comme une simple demande de renouvellement pour un ouvrage existant, satisfaisant déjà les exigences réglementaires et environnementales.
Son fonctionnement, ses ouvrages, n’engendreraient que très peu d’impacts pénalisants pour la rivière, 
car notamment :
-         l’obstacle à la circulation des poissons est  corrigé par la  passe à poissons,
-         la passe à canoë est fonctionnelle,
-         des mesures sont prises pour éviter que les poissons ne soient entraînés dans les turbines,
-         un aménagement de dévalaison au droit des grilles de la centrale est prévu,
-         le débit réservé est prévu au  niveau de la loi (1/10ième du module), il est très largement satisfait par la passe à poisson et les pertes d’eau tout au long du barrage,
-         la centrale hydroélectrique existe depuis longtemps (50 ans)
-         l’ouvrage de dérivation (barrage) depuis plus longtemps encore (plusieurs siècles), attesté depuis l’époque romaine.

L’association « le Chabot » estime qu’une approche  plus critique de la situation est cependant nécessaire, d’autant que le pétitionnaire profite du renouvellement de concession pour demander une augmentation consistante de puissance du débit turbiné, passant de 441kw/h à 667 kw/h soit (+51%).


2 – le contexte général de la rivière Ariège et sur site.

L’état des lieux réalisé en application de la Directive Cadre Européenne sur l’eau, a relevé la situation de fort déséquilibre hydrologique d’origine humaine de la rivière (cf. annexe 8.4 ci-jointe).  Il a conduit au classement de l’Ariège en « Masse d’Eau Fortement Modifiée » sur le secteur considéré, au « régime hydraulique très fortement altéré », dû au nombre important de seuils et stockages d’eau à destination hydroélectrique. C’est le constat explicite que l’état hydrologique de l’Ariège ne lui permettra pas d’atteindre le « bon état écologique » visé comme une nécessité  par la Directive Cadres sans un effort particulier.
Le SDAGE 2010-2015 dans son annexe 6-7-1 se donne comme objectif l’atteinte du bon état écologique de l’ensemble du cours d’eau Ariège pour 2021/2027, soit pendant la durée de la concession demandée (30 ans).

Dans ce contexte il nous semble important d’introduire dans la concession, la possibilité de modifier le règlement d’eau, sans contrepartie publique, en fonction des évolutions de l’état du cours d’eau, afin d’atteindre cet objectif.
L’arrêté d’autorisation, doit mentionner les éléments devant être intégrés dans la surveillance de l’état du cours d’eau, les moyens pour ce faire, la périodicité de cette surveillance et le ou les organismes destinataires des résultats de cette surveillance.

D’autre part, l’état général du lit des cours d’eau affectés induit en outre des problèmes spécifiques qui contraignent déjà la collectivité à des travaux de restauration (syndicat de rivière). De fait, toutes les fonctions normales des cours d’eau sont en cause :
-          capacité d’auto entretien du lit : enjeux : viabilité des ouvrages d’art, comportement en crues ;
-          capacité d’auto épuration : enjeu : stations d’épuration, peuplements ;
-          capacité d’alimentation des nappes d’accompagnement ;
-          capacité d’accueil des peuplements : habitats

La mise en œuvre du programme NATURA 2000, issu de la Directive Habitats pour la biodiversité, site FR 7301822 sous site Ariège, implique la préservation ou la restauration des milieux pour garantir de bonnes conditions de vie des espèces désignées comme emblématiques de cette rivière, parmi lesquelles :
-          est relevé le potentiel de frayères de qualité sur site et en amont du projet pour le saumon atlantique et la truite de mer,
-          la loutre présente sur le secteur, (même si elle n’a pas été recensée précisément sur le site).
Comme le montrent les diagnostics établis par MIGADO, la multiplication des obstacles, même équipés de passes à poissons, entraîne la multiplication des retards à la montaison au point de contrarier la reproduction (arrivées trop tardives sur les lieux de ponte). A la dévalaison, on enregistre des pertes à chaque ouvrage aux passages en turbines. Ces pertes évidemment se cumulent et représentent un handicap préoccupant pour l’efficacité des repeuplements. Les obstacles constitués par les barrages (chaussées) et les mortalités constatées en dévalaison (passage dans les turbines) sont aussi très pénalisants pour d’autres peuplements migrateurs importants comme l’Anguille (peuplements naturels : pas de réintroduction) qui est classée « en danger : espèce menacée d’extinction, placée le 11 juin 2007 sous la protection de la convention de la CITES sur le commerce international des espèces menacées à La Haye ».

L’Ariège est aussi classée « Axe bleu migrateurs ».
Elle figure sur la proposition de « classement des cours d’eau » au titre du L.214-17 1 (liste 1) du code de l’environnement, soit : le plus fort niveau de protection.

3 – la demande de renouvellement de concession de la centrale hydro-électrique de St Jean de Verges :

Notre association a relevé avec intérêt la pertinence des demandes complémentaires au dossier initial faites par les administrations concernées, ainsi que les réponses et modifications au projet faites par le pétitionnaire. Ce dossier complémentaire lève quelques interrogations mais ne peut gommer complètement les nuisances attendues du projet.

Sur les impacts à attendre :

-      le canal d’amenée : la mesure « B46 du SDAGE: GÉRER LES OUVRAGES PAR DES OPÉRATIONS DE TRANSPARENCE OU CHASSES DE « DÉGRAVAGE», préconise,  pour assurer la gestion du transit des solides nécessaire au bon fonctionnement dynamique des cours d’eau, que « sur les ouvrages existants pouvant être gérés par transparence, des dispositifs adaptés sont réalisés par les maîtres d’ouvrage». Ces dispositifs doivent permettre en période de fortes eaux la mise en « transparence » des ouvrages créant un barrage au cours d’eau et entravant le charriage des matériaux utiles à la rivière. Ces opérations de « chasses de dégravage » sont réalisées par l’ouverture totale de vannes, dites « vannes de dégravage », au droit de l’ouvrage constituant la prise d’eau et/ou le seuil artificiel créé.
La chaussée du  Moulin n’en est pas équipée et, en ce sens, le projet n’est pas compatible avec le SDAGE, les opérations prévues de dégravage du canal d’emmenée, a l’aide d’engins mécaniques, ne peuvent être qu’une solution transitoire. Le pétitionnaire devra mettre ses installations en conformité au regard de la mesure B 46 du SDAGE.
Le secteur lent présent en amont, offrant un potentiel de frayère pour la lamproie de planer, n’en devrait pas être affecté.

-           à la restitution : la sortie du canal de fuite, en rive droite, détermine le flux principal et constitue donc le débit le plus attractif, l’attrait de la passe à poisson en rive gauche s’en trouve fortement réduit.

Constituant très souvent des pièges à migrateurs, les canaux de fuite doivent permettre aux espèces qui s’y sont engagées de quitter rapidement la zone piège et de retrouver le lit principal. Sur ce projet, la longueur importante du canal de fuite accentue ces difficultés de sortie de la zone d’attractivité.
Compte tenu des enjeux du Natura 2000, il est ordinairement recommandé de relier directement, en sortie machine, le canal de fuite au cours d’eau naturel. Sur ce dossier, à minima et dans un premier temps, il nous semble important de supprimer à l’exutoire du canal maçonné (porté en rouge sur le plan), l’enrochement linéaire exécuté dans le lit du cours d’eau, qui allonge fortement le canal de fuite, ceci pour faciliter le retour vers le tronçon court-circuité et la passe de montaison.


D’autant que cet enrochement, non porté sur le plan, nous parait d’une légitimité très contestable, (a t’il seulement fait l’objet d’une déclaration de travaux en rivière ?)

-    le débit réservé : le pétitionnaire se prévaut de respecter un débit réservé conforme à la loi, du 1/10ième du module, assuré par le passage de 1 m3  à la passe à poisson, le reste (3 m3)  étant fourni par les débits des fuites de l’ouvrage de dérivation (chaussée). Nous souscrivons aux exigences de l’administration qui demande la fourniture du débit réservé par une échancrure calibrée dans la chaussée de dérivation, assortie d’une sonde de niveau près de la passe à poisson afin d’assurer l’efficacité de la passe et d’éviter un assec, toujours possible, du tronçon court-circuité.
Cependant, compte tenu de la longueur du tronçon court-circuité, plus de 600m,  nous tenons à apporter les observations complémentaires suivantes :
* le débit réservé a été fixé au 1/10ième soit 4 m3/s en prenant en compte le module interannuel défini à la station de Foix. Ce module ne prend donc pas en compte les apports du bassin versant en aval de la station de mesure, ce qui représente une superficie importante (bassin versant de l’Arget, de la Bouïche-Vernajoul en rive gauche, de l’Alse en rive droite).
Le module est donc nettement supérieur à celui retenu.
* le débit de 1/10ième du module n’est qu’un minimum exigé par la loi. Sur des cours d’eau à enjeux prioritaires tel que la rivière Ariège, abritant des espèces prioritaires emblématiques, le débit réservé doit tendre vers le Débit Biologique Optimal lequel se rapprocherait plus de 1/5ième du module, soit 20% (en l’absence d’études spécifiques).

-    l’ouvrage de montaison : la passe à poisson existant, sert aussi de passe à canoë. Peu fonctionnelle de par sa forte pente et le peu de fond en pied d’ouvrage, elle ne peut satisfaire aux besoins de « continuité écologique» qu’impose ce cours d’eau, classé axe bleu migrateur et Natura 2000. Située en rive gauche, à l’opposé de la courbure naturelle du cours d’eau, elle débouche sur un radier peu profond, qui peut s’avérer dangereux pour les espèces migratrices (prédation facilitée). D’autre part, afin d’éviter toute perturbation des migrateurs amphihalins, la passe à canoë doit être distincte.

Il nous semblerait plus judicieux (sous réserve des avis administratifs) de :
·         déporter la passe à poisson en rive droite près des vannes du canal d’amené pour réduire la longueur du cheminement vers l’amont et bénéficier ainsi de l’appel d’eau des pertes du barrage, tout en débouchant sur une lame d’eau beaucoup plus profonde,
·         construire un ouvrage pérenne type « passe à bassins successifs » compte tenu de la hauteur de chute relativement modeste mais infranchissable en l’état (2 m),
·         positionner l’échancrure du débit réservé prés de l’ouvrage de montaison pour augmenter son attractivité,
·         de mettre en place une drome en amont de la passe afin de créer un courant de dérivation pour éviter que les embâcles ne viennent obstruer l’ouverture de la passe.



_    l’ouvrage de dévalaison et le plan de grille : le pétitionnaire a bénéficié depuis 50 ans d’une autorisation administrative lui permettant de faire fonctionner la centrale de Saint Jean de Verges sans ouvrage de dévalaison, avec un plan de grilles susceptible d’entrainer une mortalité importante des espèces amphihalines. Un ouvrage de dévalaison est aujourd’hui prévu avec un espacement de grilles à 3 cm afin d’éviter le passage dans les turbines. Le renouvellement de la concession pour 30 ans ainsi que l’augmentation de puissance demandée, permet et doit être l’occasion de remettre à jour l’investissement productif, au meilleur niveau des connaissances actuelles en matière de protection des milieux et des espèces.
Les turbines installées sur des débits larges comme l’Ariège, telles celles installées dans la centrale concernée de Saint Jean de Verges (turbines Kaplan) ont des taux de mortalité proches de 30%. Il est donc capital d’éviter tout passage en turbine, l’ouvrage de dévalaison doit être assorti d’un plan de grille modifié ou l’espacement devra être porté à 2 cm, tel que recommandé dans la récente étude citée ci-dessous :

GUIDE POUR LA CONCEPTION DE PRISES D’EAU « ICHTYOCOMPATIBLES » POUR LES PETITES CENTRALES HYDROELECTRIQUES. NOVEMBRE 2008 D. COURRET ET M. LARINIER RAPPORT GHAAPPE RA.08.04

-    la passe à canoë : elle doit être totalement indépendante de la passe de montaison. La rampe actuellement présente en rive gauche peut être aménagée. Quelques critères peuvent être énoncés :
* le bassin de réception de la passe ne devra en aucun cas constituer de gène pour accéder à la passe à poisson, (d’où l’intérêt de déplacer la passe à poisson en rive droite),
* le revêtement de la rampe ne devra pas être agressif pour les embarcations,
* la lame d’eau devra être :
- sécurisée, calée sur la ligne d’eau du débit réservé,
- à débit permanent ou munie d’un système de vanne à ouverture et fermeture automatique,
- et suffisamment importante (10cm minimum),
* le bassin réceptacle devra être suffisamment éloigné de la chaussée pour éviter les remous et  contre courants générés par la surverse du barrage.  
N’étant pas spécialistes dans la création de ces équipements, nous attirons l’attention sur les conditions de modification de la passe existante et nous invitons le pétitionnaire à se rapprocher de la fédération de canoë pour que l’ouvrage réponde aux critères de fonctionnalité et de non dangerosité.
Il est évident que cette passe à canoë doit être intégrée dans l’arrêté d’autorisation  au titre de compensation aux autres usages de l’eau.

-    le volet  économique : avec 667 kilowatt de puissance, l’apport énergétique attendu de l’ouvrage est totalement marginal et non sensible pour l’augmentation de la production nationale d’énergies renouvelables (au regard des 40 Tetrawatt supplémentaires visés en France).
Sur ce dossier de renouvellement de concession, assorti d’une augmentation de puissance, seul l’intérêt privé du pétitionnaire est en jeu bien que le CLER (Comité de Liaison des Energies Renouvelables) estime que, pour être rentable, une centrale destinée à vendre sa production doit avoir une puissance supérieure à 800 kilowatts heure.
C’est à notre avis, maintenir un ouvrage qui met en danger un secteur de rivière pour un gain économique très incertain.


4 - conclusions

Ce projet se présente dans un contexte fluvial déjà très fortement marqué par un déséquilibre hydrologique et écologique du, en majeure partie, aux nombreux seuils présents sur l’ensemble du linéaire du cours d’eau Ariège, à l’effet cumul des ouvrages au « fil de l’eau » déterminant un linéaire très important de tronçons court-circuités, aux forts stockages qui y sont fait en amont à destination d’hydroélectricité.

En raison du cumul des impacts et de la valeur patrimoniale du cours d’eau Ariège (site d’intérêt communautaire retenu dans le réseau Natura 2000), le principe de précaution devrait conduire à préconiser, pour l’intérêt général :
-         de renoncer, sur la rivière Ariège  à toute nouvelle installation,
-         de renoncer à toute augmentation de puissance significative des ouvrages en place,
-         voire dans certains cas au démantèlement d’ouvrages.




Pour le cas présent, compte tenu d’une longueur modeste du tronçon court-circuité, de l’existence de l’ouvrage, de l’ancienneté du seuil utilisé et des engagements du pétitionnaire, notre association ne s’oppose pas à priori au projet mais insiste pour que les mesures correctives et compensatoires, telles qu’elles ont été énoncées ci-dessus, soient inscrites dans les documents d’autorisation.
           

                                                                          Varilhes le 10 juin 2011
Pour APRA « le Chabot »
                                                                               Henri Delrieu















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